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Publié le 19 décembre 2017 | Mis à jour le 19 décembre 2017

Interview de Qasem, étudiant à Sciences Po Lyon

Portraits d’étudiants syriens

En 2015, dix étudiants syriens quittaient leur pays, en proie à une guerre civile dévastatrice, pour la France, afin de poursuivre leurs études dans des conditions décentes. Deux ans après leur arrivée, il est temps de faire un premier bilan de leur expérience.

CONTEXTE

L’Université de Lyon, la Métropole de Lyon, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et le Collectif universitaire pour l’aide aux étudiants syriens lançaient en 2015 un programme de soutien d’envergure à la fois financier, administratif mais aussi psychologique à destination d’étudiants syriens.
Son objectif ? Donner l’opportunité à dix étudiants syriens sélectionnés sur dossier de poursuivre leurs études en France, alors que la situation de crise en Syrie leur en empêchait.
Suite à une année intensive de cours de français au Centre international d’études françaises(CIEF) de l’Université Lumière Lyon 2, les étudiants ont pu intégrer à la rentrée universitaire 2016 un programme de formation spécifique en cohérence avec les études qu’ils ont pu suivre en Syrie.
Ces portraits n’ont pas vocation à revenir sur leur passé et la situation difficile en Syrie, mais de s’intéresser de plus près au parcours de ces étudiants, leur nouvelle vie en France, leurs projets et avenir.


QASEM, ÉTUDIANT À SCIENCES PO LYON

Qasem Albasri vient des alentours de la ville de Deir Ezzor, à proximité de la frontière syro-irakienne. Avant de fuir son pays et de se réfugier en Turquie, il était étudiant en économie à l’Université publique d’Alep et avait obtenu sa licence.
Arrivé en janvier 2016 en France, Qasem est actuellement étudiant à Sciences Po Lyon. Afin de faciliter sa réussite, l’établissement a mis en place un programme de formation spécifique regroupant des cours de première année, des cours de quatrième année ainsi que des cours de français.

Bonjour Qasem, après deux années en tant qu’étudiant, as-tu observé des différences entre l’université en France et l’université en Syrie ?

Les systèmes universitaires sont très similaires sauf peut-être au niveau des examens. J’ai été surpris en France de n’avoir qu’une question à développer durant 4 heures alors que dans mon université, nous étions habitués à avoir beaucoup de questions sous la forme de QCM. L’encadrement universitaire est également différent. Je bénéfice ici en France, et particulièrement à Sciences Po Lyon, d’un véritable suivi pédagogique ainsi que de professeurs et personnels administratifs très à l’écoute.

Ce qui m’a également surpris en France, c’est le nombre très important d’universités que l’on peut trouver. En Syrie, il n’existe que 5 grandes universités publiques où les frais d’inscription sont peu élevés mais le nombre de places est limité et dépend des résultats que l’on a obtenus lors du baccalauréat. Il existe également 15 universités privées ou l’inscription coûte très cher. Or, il n’existe pas en Syrie, un système d’aides mis en place par le gouvernent pour les étudiants les plus modestes.

En dehors des raisons évidentes qui t’ont poussé à quitter ton pays, as-tu choisi spécifiquement de venir en France ou aurais-tu pu choisir un autre pays européen ?

Je n’ai pas choisi spécifiquement la France mais j’ai bénéficié d’une opportunité pour venir dans ce pays suite au message du collectif que j’ai trouvé sur Facebook. Il indiquait qu’ils recherchaient encore un dernier étudiant pour venir faire des études à Lyon.

Mais de manière générale, je crois que les Syriens aimeraient venir en France. Les liens qui unissent nos deux pays sont historiquement très forts, notamment pour la coopération universitaire. Le français est également la langue que l’on apprenait à l’école, même si cette dernière a été remplacée par le russe suite au refroidissement des relations entre le gouvernement français et le gouvernement syrien. Beaucoup d’hommes politiques syriens sont partis faire des études en France, ce qui donne envie aux étudiants actuels de le faire également.

Une fois arrivé en France, as-tu eu du mal à t’adapter à cette nouvelle vie ?

Au début, les choses sont forcément difficiles. Il y a la barrière de la langue, mais tous mes camarades de classe sont très sympathiques. Il y a une véritable entraide. J’ai été surpris par la société française, car j’avais appris des informations sur la France en lisant des livres d’Émile Zola, or la situation sociale et économique de la France est maintenant très différente.

Certains pensent que je devrais parler mieux français mais ne se rendent pas comptent que le simple fait de prononcer certains sons représente quelque chose de très difficile pour moi. Et puis, beaucoup de gens, quand je leur dis que je suis syrien, me disent qu’ils sont désolés pour moi mais je voudrais leur dire que ma vie ne se résume finalement pas au conflit syrien.

[Temps de réflexion] Ah si, la chose très difficile, c’est qu’il y a beaucoup de papiers à faire, la bureaucratie !

Connaissais-tu plus spécifiquement la ville de Lyon avant de venir pour faire tes études ?

Oui, je connaissais Lyon car c’est une grande ville française. Je n’avais cependant pas une bonne image de la ville avant de venir suite aux descriptions d’une ville très industrielle que j’avais pu lire dans différents livres et recueils de poésie. Et puis, je suis un supporter du club de foot du Real Madrid et à une époque, l’équipe de Lyon gagnait souvent contre mon équipe !

As-tu changé d’avis en arrivant ?

Oui, je conseille maintenant aux gens de venir à Lyon car j’ai beaucoup aimé l’architecture de la ville, notamment celle des anciennes universités. J’apprécie également d’aller à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée et dans les nombreuses bibliothèques universitaires où je peux trouver un tas d’ouvrages auquel je n’avais pas accès dans mon pays.

Quel est ton projet professionnel et/ou universitaire à la fin du programme d’accueil ?

Après avoir fini mon master, je souhaite réaliser un doctorat en France avant de retourner en Syrie. J’aimerais faire de l’enseignement en université ou bien travailler dans le domaine politique ou économique en Syrie, dans le but d’agir pour le développement de mon pays. Une fois retourné en Syrie, je souhaite également suivre une formation de quelques années afin d’obtenir une certification de traduction français-arabe.

As-tu un dernier mot à ajouter ?

Je voudrais remercier toutes les personnes impliquées dans ma venue en France. Tout d’abord, l’Université de Lyon pour m’avoir aidé à m’installer, pour le suivi administratif, le soutien psychologique ainsi que le personnel de Sciences Po Lyon pour m’avoir accueilli et m’avoir créé un programme de formation spécifique adapté à mon niveau. Je remercie également la Région Auvergne-Rhône-Alpes pour l’aide importante dont je bénéficie ainsi que la Métropole de Lyon.